Libre opinion Réflexion majeure Que peut craindre un journaliste ?
D’entrée du jeu je tiens à préciser que n’étant pas journaliste, il me paraît normal d’implorer l’indulgence des professionnels, des autorités des médias et de la communication pour ce modeste texte qui tout en faisant de moi un braconnier accompli n’engage toutefois que son auteur. Une audacieuse curiosité doublée d’une exaltation fascinante explique par elle seule la subite liberté que je prends de piocher dans un champ parsemé de ‘’mines anti-personnelles».
Le journaliste, j’en parle aujourd’hui avec le plus grand respect voué à ce professionnel de la communication pour qui j’éprouve une estime illimitée et indéfectible.Le journalisme m’est totalement inconnu. Malgré qu’après tout le journaliste ne peut être qu’un cousin lointain de l’écrivain, de l’avocat ou du policier dans une certaine mesure. Si par le biais d’une longue pratique du droit et de la littérature je réussis à mettre ma présente réflexion à l’abri de toute pesanteur de vulgarité et d’ignorance, j’aurais alors mérité la confiance et l’amitié que me témoignent constamment de nombreux journalistes éminents de notre presse nationale que le Seigneur m’a fait rencontrer au détour ou en marge d’une activité professionnelle. Ces grands et respectables hommes de la communication ont forcé mon admiration par le fait qu’ils ont tous en commun de traquer les évènements pour le besoin d’une information juste crédible et respectueuse de la déontologie professionnelle, souvent au péril de leur liberté voir de leur vie. Dès 1960 déjà, en effet j’ai éprouvé un réel penchant pour les speakers dont les voix fournies ont longtemps accompagné les matinées ensoleillées de millions d’auditeurs africains friands de musique et d’informations distillées par des stations de Radio comme la voix de l’Amérique, RFI et BBC.
Véritable justicier du social, le journaliste, par les dénonciations constructives qu’il livre à l’opinion publique contribue de la manière la plus noble et la plus patriote à la remise au pas et au rappel à l’ordre des gouvernants et élus du peuple constamment placés dans le collimateur des journalistes grâce auxquels les populations sont clairement informés des actions et agissements de leur Etat et de leurs institutions. Le journalisme me fascine tout autant par son côté déontologie que parce qu’il est le quatrième pouvoir dans tout pays par sa contribution à la paix dans la cité. Je perçois le journalisme comme un monde de culture, et de civilité, c’est en fait, à mon avis un domaine strictement balisé par une éthique et une déontologie qui sont autant d’obstacles à l’amateurisme et à l’aventurisme. Tant mieux si nos journalistes sont mis à l’abri de la fornication intellectuelle. N’est pas journaliste qui le veut, sinon je l’aurais été depuis longtemps. Le journalisme est une forme de combat à l’encre légère et indélébile. Combat à l’arme silencieuse mais terriblement destabilisatrice, pourfendeuse et meurtrière à sa façon.
En effet, seule la plume du journaliste peut faire se rétracter ou se raviser les dictateurs, les non démocrates, les dirigeants et gérants des peuples à quelque titre que ce soit.La plume du journaliste fait reculer bourreaux, affameurs du peuple et fossoyeurs des économies nationales. Elle dénonce les abus et excès des gouvernants, des gouvernements, des parlements, des cours et tribunaux, des polices, des atteintes aux droits citoyens les plus divers. La Une des journaux est ce qu’est l’écran de télévision ou la vitrine des pouvoirs en charge de l’exécutif, du législatif ou du judiciaire. Le médecin traque la maladie, le policier traque le malfaiteur, le juge traque le mensonge, l’avocat traque les faiblesses ou accusations de ses clients, tout cela grâce à la division sociale du travail. C’est merveilleux. Mais alors pourquoi ne laisserions-nous pas, monsieur le journaliste dont la profession est d’informer, traquer les violations des normes sociales et donner la vraie information où que celle-ci se trouve ?
La société n’y fait aucun obstacle. Au contraire la loi protège ce combattant du silence tout en précisant néanmoins quelques aspects de cette protection légale. Chez nous en République de Guinée, la liberté de la presse n’est plus un rêve, c’est une réalité. L’environnement médiatique est en train de s’étoffer de nouvelles radios privées. Peut être que les chaînes de télévision ne sont pas lointaines, espérons-nous. De son côté un organisme de régulation appelé Conseil National de la Communication (CNC) déploie des efforts sensibles pour éviter les heurts entre les professionnels de la communication, le pouvoir et les citoyens. Cet outil indispensable qu’est le CNC joue apparemment son rôle de régulateur avec un maximum de satisfaction générale, car en tous cas, il faut remarquer que depuis très longtemps on n’enregistre plus de journaliste jeté en prison, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Le même CNC développe un programme de formation des journalistes et s’investit d’une façon ou d’une autre à la pérennisation et à la continuité du paysage médiatique. Petit à petit en effet les médias guinéens vont conquérir l’espace de plus en plus significatif, à la mesure de la volonté politique affichée par le gouvernement.
A mon humble avis, des rencontres entre professionnels doivent être organisées le plus souvent possible pour permettre à ces forums d’initier, de susciter des réflexions et des schémas autour des sujets aussi importants que la recherche de la fidélisation des journalistes à leurs titres respectifs. Mais pour cela, je pense qu’il n’est pas inutile que les propriétaires des journaux, et des radios et le CNC trouvent les moyens de satisfaire aux besoins compréhensibles des journalistes d’accéder, non pas à des salaires de rêve, mais à la propriété domaniale, aux prestations sociales liées à la maladie (par exemple prise en charge des hospitalisations des accidents) d’initier des voyages d’Etude etc. etc. Pour cela il ne serait pas excessif de demander à l’Etat de faire un effort financier quitte à opérer des ponctions sur les fabuleuses recettes télévisionnelles et autres taxes perçues ou à percevoir dans le cadre global de la communication. Les fondateurs et propriétaires des médias privés ne seraient pas conviés à cet effort puisqu’on sait qu’ils ne sauraient le faire en raison de la faible demande des prestations dans le domaine du lectorat, de l’auditorat musical payant et de publicité. (Vous m’excusez si dans ce cas, n’étant pas journaliste, je me mêle de ce qui ne me regarde pas). Plus à part c’est le problème du journaliste face à la loi qui peut à mon avis poser problème étant donné que la pénalisation du délit de presse reste en vigueur. L’idéal serait en effet de dépénaliser le délit de presse et de soustraire ainsi la diffamation journalistique de l’emprise du code pénal. Mais bien sûr il faut alors créer un outil de sanction professionnel comme le code de la presse ou le règlement professionnel, déontologique sous le patronage du CNC dont on est jusque là satisfait de l’accompagnement. Il reste entendu que pour le besoin de contrôle judiciaire, il restera toujours, si l’on veut ménager la main de justice dans des questions aussi sensibles que les provocations aux crimes et délits contre les personnes, les délits contre la chose publique, les délits contre les personnes, les délits contre les chefs d’Etat et agents diplomatiques étrangers, les publications interdites, immunités de la défense etc., il restera toujours à la justice la faculté qui lui est propre et incontestable d’ailleurs de prononcer la peine d’amende, mais rien que l’amende en tant que peine et accessoirement les dommages intérêts mais jamais de peine privative de liberté comme prononcée depuis la loi-ancêtre du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette loi-souche mérite qu’on s’y attarde en raison même de la place excessive que le législateur a accordée au plaignant interface du journaliste et homme de presse dès lors placé dans une position de faiblesse face à des adversaires, qui ne sont le plus souvent que ceux là mêmes qui sont les auteurs des abus dénoncés par le ‘’méchant’ journaliste.
Depuis 1958, cette loi n’est plus en vigueur chez nous, notre pays ayant conquis sa souveraineté en promulguant sa propre constitution républicaine. Mais notre code pénal, hérité des sources fortement inspirées de la civilisation de l’ancienne métropole véhicule dans un certains sens les relents de cette inspiration extérieure. D’où la reconduction par pans entiers, souvent dans la lettre et même dans l’esprit, de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Notre code pénal ayant livré à la justice pénale nationale, un produit pénal plus élaboré qui entérine en les intégrant plusieurs lois de ‘’remise à niveau» du système pénal guinéen, malgré tout un code de la presse est à préférer à tout code pénal lorsqu’il s’agit de juger les actes d’un homme de la communication fut-il un simple colleur d’affiche, vendeur de journaux, et autre projectionniste de films. La grande famille de la communication va du présentateur de télévision au guichetier de salle de cinéma en passant par l’éditeur imprimeur. Tous doivent être protégés dans l’exercice de leur profession.
Il ne me paraît plus utile de rappeler les énormes risques qui jalonnent le chemin du journalisme. En effet combien de journalistes tombés sous les balles de tueurs anonymes mus par des motivations de vengeance de règlements de comptes. Pour toutes ces raisons. Les journalistes et leurs installations doivent bénéficier d’une large protection de la loi, de toutes les forces de sécurité donc.
Le principe de la loi de référence du 29 juillet 1881 repose sur les traditionnels piliers que sont les sanctions pénales, peine de prison et amende ainsi que les obligations de rectifications, sans préjudice de dommages-intérêts, droit de réponse et demande de rectification sont réglés comme suit : Le Directeur de la publication est tenu d’insérer gratuitement en tête du plus prochain numéro du journal ou écrit périodique toutes les rectifications qui lui seront adressées par un dépositaire de l’autorité publique, au sujet des actes de ses fonctions qui auront été inexactement rapportés par le dit journal ou écrit périodique toute fois les rectifications ne dépasseront pas le double de l’article auquel elles répondront.
Le Directeur de la publication sera tenu d’insérer dans les 3 jours de leur réception les réponses de toute personne nommée où désignée dans le journal ou écrit périodique. En ce qui concerne les journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le droit de réponse se fera dans le numéro qui suivra le surlendemain de la réception. Cette insertion devra être faite à la même place et aux mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée et sans aucune intercalation. Non compris l’adresse, les salutations, les réquisitions d’usage et la signature, qui ne seront jamais comptées dans la réponse, celle-ci sera limitée à la longueur de l’article qui l’aura provoquée. Toutefois elle pourra atteindre 50 lignes alors même que cet article serait d’une longueur moindre, et elle ne pourra dépasser 200 lignes, alors même que cet article serait d’une longueur supérieure. Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux répliques lorsque le journaliste aura accompagné la réponse de nouveaux commentaires. La réponse sera toujours gratuite. Le demandeur en insertion ne pourra excéder les limites fixées aux paragraphes précédents en offrant de payer le surplus. La réponse ne sera exigible que dans l’édition ou les éditions où aura paru l’article :
I – Provocation aux crimes et délits :
Dans les lieux et réunions publics (affichage, vente, cris, discours menaces écrits ou imprimés). Provocation des forces armées dans le but de les détourner de leurs devoirs militaires et de l’obéissance qu’ils doivent à leurs chefs dans tout ce qu’ils commandent pour l’exécution des lois et règlements militaires
II – Délits contre la chose publique :
L’offense au président de la République, la publication, la diffusion ou la reproduction par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque faites de mauvaise foi elle aura troublé la paix ou aura été susceptible de la troubler.
III – Délits contre les personnes :
Toute allégation ou imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération à la personne ou au corps auquel le fait est imputé est une diffamation.
La publication écrite directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure.
IV – Délits contre les chefs d’Etats et agents diplomatiques étrangers
V – Publications interdites, immunités de la Défense
Il est interdit de publier les actes d’accusations et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu’ils aient été lus en audience publique, sauf si cette publication est faite sur la demande du juge chargé de l’instruction.
VI – Poursuite des personnes responsables des crimes et délits commis par la voie de la presse :
Seront passibles comme auteurs principaux des peines qui constituent la répression des crimes et délits commis par la voie de la presse dans l’ordre ci-après, savoir.
1. les directeurs de Publications ou éditeurs quelles que soient leurs professions ou leurs dénominations et dans les cas prévus par le code, les co-directeurs de la publication.
2. A leur défaut les auteurs
3. à défaut des auteurs, les imprimeurs.
4. à défaut des imprimeurs, les vendeurs, les distributeurs, les afficheurs.
Lorsque les directeurs ou co-directeurs de la publication ou les éditeurs seront en cause, les auteurs seront poursuivis comme complices. Toutefois les imprimeurs pourront être poursuivis comme complices si l’irresponsabilité pénale du directeur ou du co-directeur de la publication était prononcée par les tribunaux.
Les propriétaires des journaux ou écrits périodiques sont responsables des condamnations désignées par la poursuite dont s’inspire largement le code pénal de la plupart des pays anciennement colonisés par la France. Depuis 1985 lors de la création de l’Association des juristes de guinée j’ai attiré l’attention des membres fondateurs de cette noble structure sur la nécessité de réfléchir tout à la fois à l’enrichissement des textes des lois et codes disponibles et on ne peut souvent obsolètes en vue du développement du droit pénal guinéen et à l’interpellation respectueuse des élus du peuple que sont les honorables députés sur l’urgence qu’il y avait et qui demeure toujours d’ailleurs à légiférer afin de procurer aux magistrats, juristes et autres professionnels du droit des lois audacieuses et protectrices des acquits de la nation (droits, culture, économie, politique etc.).
Aujourd’hui encore, j’ai conscience que de telles urgences existent et qu’il est du devoir de chaque citoyen de se prêter à ce passionnant exercice de civisme et de patriotisme. Nous ne sommes que très heureux de constater aujourd’hui que la liberté de presse existe bel et bien en République de Guinée, nous devons tous œuvrer pour la sauvegarde de cet acquit précieux car je pense très sincèrement que dans un pays où les divers canaux de la communication fonctionnent correctement et sans heurts, la démocratie, la justice et la paix ont leur place. Aux vaillants professionnels de la communication mes souhaits de bonheur, de succès et de longévité dans vos familles respectives.
Me Matou
Depuis Conakry pour la radio-kankan